La recherche d'hypertension pulmonaire (HTP) est d'un grand intérêt dans la pratique clinique.
Nous proposons ici un cours en deux parties, la première destinée aux échographistes possédant les connaissances de base nécessaires, la seconde à un public plus expérimenté.
Dans la première partie nous regarderons les signes indirects de l'HTP pouvant nous mettre sur la piste de son existence ou non puis le calcul de l'HTP via l'analyse de l'insuffisance tricuspide
et l'estimation de la pression dans l'oreille droite (POD). La seconde partie tentera une analyse plus fine avec les mesures au niveau de la valve pulmonaire.
Le calcul basé sur l'IT donne une estimation des pressions artérielles pulmonaires systoliques (PAPs).
Les constations à faire sont la dilatation des cavités droites, voire l'hypertrophie du ventricule droit dans les formes chroniques, ainsi que l'analyse du flux sus-hépatique, ce dernier
pouvant s'inverser dans les HTP sévères. La distinction entre dilatation et hypertrophie est essentielle pour différencier une forme aigue (EP, hypervolémie) de chronique (hypoxémie chronique, malade de système).
La mesure la plus simple du diamètre se fait en coupe 4 cavités, en fin de diastole, au niveau de l'anneau tricuspide pour le VD, de l'anneau mitral pour le VG.
A ce niveau on considère une dilation du VD pour une valeur supérieure à 41mm ou un rapport VD/VG supérieur à 0.6.
La recherche d'une hypertrophie passe par la mesure de l'épaisseur de la paroi libre du VD, que l'on considère comme anormale si elle dépasse 5mm. L'épaisseur de la paroi libre du VD peut être effectuée dans
les coupes parasternal long axe, 4 cavités ou sous-xyphoïdienne, cette dernière étant la plus efficace.
Dans les HTP sévères il est possible d'observer une perte du flux triphasique dans les veines sus-hépatiques (voir cours dédié).
En haut à gauche, une dilatation des cavités droites , en haut à droite une hypertrophie ventriculaire droite.
On peut estimer les pressions pulmonaires en pointant un Doppler continu sur la vena contracta de l'IT (reflux au sein de l'anneau tricuspide).
On mesure la vitesse maximale et utilise la formule de Bernouilli simplifiée: G = 4*Vmax^2. Il faut ajouter la pression de l'oreillette droite pour obtenir une approximation des pressions pulmonaires systoliques.
La taille de la VCI est mesurée en mode TM et la collapsibilité de la VCI se calcule selon la formule (max-min/max)*100 en ventilation spontané. Selon l'échogénéicité du patient on peut faire ces mesures avec la sonde cardio en sous-xyphoïdien ou avec la sonde abdominale au même endroit ou en intercostal droit.
Veine cave inférieure | Variations respiratoires | Estimation de la POD |
---|---|---|
Petite < 15 mm | Vidange complète en inspiration | 5 mmHg |
Normale 15 – 25 mm | Vidange > 50 % | 10 mmHg |
Normale 15 – 25 mm | Vidange < 50 % | 15 mmHg |
Dilatée > 25 mm | Vidange < 50 % | 20 mmHg |
VCI et VSH dilatées (> 10 mm) | Pas de variation | > 20 mmHg |
Dans l'exemple ci-dessous, la VCI mesure au maximum 21.7mm et la collapsiblité est de ((21.7-7.2)/21.7) * 100 soit 67%, nous sommes dans la situation de la seconde ligne, soit une POD estimée à 10 mmHg.
Basé sur les PAPs, l'HTP est
- Sévère si supérieure à 60 mmHg
- Modérée si entre 50 et 60 mmHg
- Légère si entre 40 et 50 mmHg
Pour ce patient nous avons une pression calculée sur l'IT à 64.6 mmHg à laquelle on ajoute une POD de 10 mmHg pour une estimation finale de 74.6 mmHg, soit une HTP sévère.
On parle ensuite d'HTP peu probable, possible ou probable selon les modalités du tableau ci-dessous:
Vmax IT (m/s) | PAPs estimée (mmHg) | Autres signes d'HTP | Probablité d'HTP | Niveau de preuve |
---|---|---|---|---|
≤ 2,8 | ≤ 36 | Non | Peu probable | I-B |
≤ 2,8 | ≤ 36 | Oui | Possible | IIa-C |
2,9-3,4 | 37-50 | Oui/Non | Possible | IIa-C |
> 3,4 | > 50 | Oui/Non | Probable | I-B |
On a donc pour notre patient une HTP sévère probable.
Plusieurs autres mesures peuvent être utiles afin de confirmer le diagnostic d'HTP. Elles sont plus complexes à réaliser mais apportent davantage d'informations comme la PAP moyenne et la PAP diastolique.
Trois mesures sont utiles:
1) Vitesses de l'IP en pointant un Doppler continu sur la vena contracta de l'IP (reflux au sein de l'anneau pulmonaire, image en bas à gauche). La première vitesse est la maximale, la seconde minimale
2) ITV sous-pulmonaire en pointant un Doppler quelques mm sous la valve pulmonaire (dans le VD)(image en haut à gauche).
3) Le temps d'accélération pulmonaire en pointant un Doppler pulsé quelques mm sous la valve pulmonaire (dans le VD)(image en haut à droite).
Nous pouvons maintenant faire des calculs plus poussés, ceux de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) et de la pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd).
PAPm = 4 * (V1)^2 + POD
Soit dans notre exmple: 4 * (2.16)^2 + 10 = 28.6 (mmHg)
PAPd = 4 * (V2)^2 + POD
Soit dans notre exmple: 4 * (1.08)^2 + 10 = 14.6 (mmHg)
On en déduire les PAPS selon la formule 3*PAPm - 2*PAPd, ce qui donne ici 3*28.6 - 2*14.6 = 56.6 (mmHg). Notez que ce ne sont pas les mesures sont effectuées sur des patients différents et ne concordent donc pas.
Le temps d'accélération pulmonaire, c'est à dire le temps mis pour attendre la vitesse maximale au pic (seconde image) est une autre mesure prédictive.
Un TAP supérieur à 130 ms a une bonne valeur prédictive négative, alors qu’un TAP court (< 90 ms) évoque l’existence d’une hypertension pulmonaire.
Dernier point, l’évaluation des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) peut se faire par la formule d’Abbas : RVP = VmaxIT (m/s)/ITV sous-pulmonaire (cm).
Les RVP sont élevées lorsque l’indice est supérieur à 0,2. Dans notre exemple cela donne RVP = 4.02 / 19.6 = 0.205.
L'évaluation des pressions pulmonaires systoliques est faisable en peu de temps (2 coupes).
Sa présence repose sur plusieurs arguments également simples à obtenir. La confirmation par l'étude de la valve pulmonaire est plus complexe mais réalisable avec de l'entrainement.
Références, source des images et liens utiles
1. Portnoy, S. G., & Rudski, L. G. (2015). Echocardiographic evaluation of the right ventricle: a 2014 perspective. Current cardiology reports, 17(4), 21.
2. Parasuraman, S., Walker, S., Loudon, B. L., Gollop, N. D., Wilson, A. M., Lowery, C., & Frenneaux, M. P. (2016). Assessment of pulmonary artery pressure by echocardiography—a comprehensive review. IJC Heart & Vasculature, 12, 45-51.
3. Radiopedia
3. Galie, N., Hoeper, M. M., Humbert, M., Torbicki, A., Vachiery, J. L., Barbera, J. A., ... & Gomez-Sanchez, M. A. (2009). Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: the Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS), endorsed by the International Society of Heart and Lung Transplantation (ISHLT). European heart journal, 30(20), 2493-2537.
Dernière modification le 28/02/2021.